Cette Director's Cut sort 1 an après la sortie du jeu initial le 17 juillet 2020 qui a rencontré un fort succès critique mais aussi commercial vu l'attente et l'engouement que la présentation de Sony a su susciter auprès des joueurs dès l'E3 2018. Développée par Sucker Punch, connu pour leurs jeux InFamous mais aussi les Sly Cooper, cette Director's Cut sort sur PS5 (avec des features exclusives) mais aussi sur PS4 afin que les joueurs de la première heure puissent découvrir l'extension de l'Île d'Iki. Pour celles et ceux qui n'ont pas fait Ghost of Tsushima, cette review englobe tout le jeu afin que vous ayez notre vision sur l'ensemble.
Ghost of Tsushima offre une histoire prenante et rythmée, Sucker Punch a su faire évoluer Jin Sakai et ses alliés tout au long de l'intrigue, observer la création du fantôme et tout ce qu'il représente : que ce soit pour les samouraïs, les habitants de Tsushima et les mongols d'un point de vue positif ou négatif qui reste très intéressant à constater. C'est surtout le combat intérieur de Jin, qui hésite entre son honneur de samouraï et sa haine envers les mongols qui l'incite à utiliser tous les moyens possibles, nobles ou non, afin de protéger l'île de Tsushima. Les personnages secondaires qui sont souvent des alliés de Jin face à l'envahisseur ont leurs propres quêtes secondaires où l'on voit leur évolution, ils ne sont pas juste montrés comme de gentils alliés qui sont là pour aider la veuve et l'orphelin. Certaines quêtes nous montrent leurs défauts, leurs erreurs et leurs regrets.
Des personnages comme Dame Masako, brisée par le chagrin, qui souhaite se venger ou Yuna la voleuse et son frère Taka qui aideront Jin tout au long de l'histoire face à Khotun Khan. Ce dernier est un petit défaut de l'intrigue, le personnage a très peu de profondeur alors qu'on parle quand même de l'antagoniste principal, on sent que sa présence n'a de valeur que pour appuyer l'intrigue. C'est le réceptacle de la haine de Jin Sakai, même s'il y a des tentatives de montrer qu'il n'est pas juste une brute sanguinaire, qu'il peut faire preuve de diplomatie ou de montrer qu'il peut avoir l'ascendant psychologique sur certains personnages, le ressenti reste superficiel, ce qui est dommage, car il en impose et que sa première apparition reste mémorable.
La qualité principale de Ghost of Tsushima est sa direction artistique, dès le moment où on nous laisse arpenter l'île de Tsushima, on ne peut être qu'émerveillé par la beauté des lieux, ce monde ouvert est riche en environnement de toute beauté que ce soit les forêts aux feuilles aux multitudes de couleurs qui jonchent le sol, les chemins de montagnes à gravir, les plages de sable blanc, les champs de fleurs aux couleurs variées ou les pétales qui se déplacent au gré du vent. Ce même vent, qui sert de guide vers les missions via des courants d'air qui balayent les pétales et les feuilles mortes, est une très belle trouvaille. La météo sublime le paysage allant du ciel ensoleillé, à un magnifique coucher de soleil, en passant par une nuit de pluie torrentielle ponctuée d'éclairs.
On est complètement immergé dans cet univers, à tel point qu'on galope à tout-va en voulant explorer les sanctuaires disséminés un peu partout et autres tanières de renard qui apportent leur lot de récompenses. Si on se rapproche d'une zone d'évènement non explorée, un oiseau jaune apparaît afin de nous montrer le chemin à suivre. Si on souhaite bien évidemment le suivre, c'est cela qui fait la force de Ghost of Tsushima. Le jeu nous guide subtilement dans ce monde tout en maintenant une immersion constante. L'univers graphique et sonore sont maitrisés et la bande-son est d'excellente qualité. Elle s'adapte en toutes circonstances et respecte l'équilibre de l'ensemble de l'univers sans vouloir s'imposer. La mise en scène des duels est remarquable, surtout la tension qui est fidèlement retranscrite au début de chaque duel ou et la caméra est placée très près de votre personnage et de l'adversaire afin de faire monter la pression, l'environnement des zones de duel est varié et généralement en lien avec une quête (principale ou secondaire).
Il faut aussi mentionner qu'il y a un mode Kurosawa, en noir et au blanc en hommage au cinéaste japonais de renom et source d'inspiration assumée des développeurs: Akira Kurosawa, qui a fait de nombreux films en noir et blanc sur les Samouraïs (Sanjuro, Les 7 Samouraïs, Yojinbo). Si vous êtes un fan inconditionnel de ses œuvres vous pouvez faire toute l'histoire avec ce filtre. Par contre, des bugs de collisions et de texture nous rappellent brutalement à la réalité, ce qui est fort dommage vu l'énorme travail fourni par Sucker Punch.
Le gameplay reste simpliste et le système est déja présent dans de nombreux autres jeux triple A, on détruit des forts mongols en éliminant la totalité des ennemis ou en détruisant des barils de poudre afin de reconquérir les différentes régions de Tsushima. on peut soit faire le bourrin, en commençant avec une "confrontation" ou l'on prévient les ennemis de notre présence afin de faire une sorte de duel ou le plus rapide portera le premier coup si vous gagnez cette confrontation vous pouvez enchainer d'autres ennemis en les éliminant en un seul coup afin de vous faciliter le reste du combat. Il y a différentes postures en fonction de l'ennemi que vous combattez, ils sont au nombre de quatre et donne de la fluidité au combat, les ennemis contrairement à certains jeux ne vont pas attendre pour vous attaquer et se feront une joie de tous vous foncez dessus ou de vous attaquer dans le dos, il y a un arbre de compétence pour chaque posture, une pour des techniques dites légendaires qui vous faciliteront la vie surtout vers la fin du jeu.
Il est dommage d'avoir une seule arme, qui est le katana, même si le potentiel de l'arme est très bien utilisé, on trouve d'autres armes à distance comme l'arc court et l'arc long avec différents types de munitions qui sont généralement utilisés en phase d'infiltration, pour éliminer un groupe d'ennemis entassé avec des flèches explosives ou un ennemi fuyant au loin.
L'aspect infiltration ou la voie du fantôme à son propre arbre de compétence avec différents objets qui ont leur propre arbre de compétence comme les Kunai, les bombes fumigènes ou explosives et d'autres outils qui apportent une diversité d'options et d'approches afin d'éliminer sournoisement et facilement un fort d'envahisseurs mongols. L'IA ennemie en mode infiltration est limitée et pas franchement intelligente : même quand elle est en mode alerte, il est facile de les éliminer… un point faible pour un jeu dans lequel l'infiltration est une composante importante. La tension est peu présente puisque leurs mouvements sont prévisibles avec un système d'écoute que l'on peut améliorer pour étendre la zone d'effet et savoir leurs positions et mieux anticiper leurs déplacements ce qui réduit encore plus la difficulté de l'infiltration… qui n'était déjà pas bien difficile.
Un système de réputation est présent dans le jeu, mais il sert juste à nous donner des points de compétence et des objets utiles. Cette réputation s'améliore après des quêtes principales, des quêtes secondaires et des conquêtes de forts ennemis, mais cela reste superficiel et sans changement dans l'environnement du jeu. Par exemple, la réaction de certains habitants de Tsushima face à Jin change. Ceux qui voient le Fantôme comme un bienfaiteur voudront le récompenser avec des ressources et ceux qui le fuiront comme un monstre.
Des améliorations sur PS5 plus ou moins intéressante.
L'arrivée de la Director's Cut apporte son lot de features spécifiques à la version PS5 : l'amélioration graphique 4K à 60 fps est bienvenue, vu la possibilité qu'offre la PS5 en termes de puissance et de rapidité de traitement avec son SSD ; les temps de chargement sont plus courts que ceux sur PS4 sans être totalement inexistants, mais cela reste anecdotique. La synchronisation labiale pour les voix japonaises (qui paradoxalement était absente dans la version originelle) arrive sur PS5, cette fonctionnalité n'est pas aussi qualitative que celui en anglais, et c'est bien dommage, vu que logiquement faire le jeu en japonais serait la décision logique pour bon nombre de joueurs.
La manette Dual Sense avec ses gachettes adaptatives et ses retours haptiques sont bien utilisés quand on utilise l'arc, par exemple, on ressent une sorte de pression lorsque l'on veut tendre l'arc au maximum ou lors des combats au corps à corps, mais sinon rien de bien extraordinaire, surtout avec le potentiel qu'offre la manette Dual Sense.
Cette extension se débloque à partir de l'acte 2 de l'histoire, via une mission qui nous permettra de découvrir deux nouveaux types d'ennemis : le chaman qui améliore grandement l'agressivité ennemie et un guerrier qui peut changer d'arme en plein combat, par exemple, passer de l'épée à la lance, forçant le joueur à s'adapter encore plus et augmenter la nervosité des combats. Après avoir avancé dans cette mission, on arrive dans l'île d'Iki mais contrairement à Tsushima où l'on est vu comme un protecteur, Jin est considéré comme un envahisseur par les habitants de l'île à cause de son passé et de son clan.
L'intrigue revêt un aspect psychologique et psychédélique où Jin doit faire face à son passé et à celui de son clan, ce qui rajoute encore un degré de profondeur pour Jin. Ici, l'antagoniste est Anthsar Khatun, chef du clan mongol de l'Aigle . Elle souffre aussi du même problème que l'antagoniste précédent, un manque de profondeur et de développement, mais cela peut se justifier par la durée de vie de cette extension. En ligne droite, il faudrait environ cinq heures ce qui est peu même si l'histoire dans son ensemble reste agréable. Et si on souhaite tout faire, il faut rajouter 10-15 heures pour découvrir tous les mystères de l'île d'Iki.
Il y a quelques nouveautés d'un point de vue gameplay : il y a l'ajout d'une charge pour votre monture face aux ennemis, une nouvelle utilisation pour votre grappin, un mini-jeu sympathique utilisant les mouvements de manette afin de suivre le flow musical de votre flûte, une zone de défi d'archerie qui vous donnera des récompenses. Ces ajouts sont amusants, mais Sucker Punch n'a pas pris de grands risques et sont restés dans leurs zones de confort, l'île d'Iki à quelques zones uniques, mais dans l'ensemble, cela ressemble à d'autres zones vues dans l'île de Tsushima, même si cela ne vous empêchera pas de vous amuser à vous perdre et chercher à découvrir les moindres recoins et mystères de cette île.
Ghost of Tsushima: Director's Cut est l'édition ultime qu'il faut pour celles et ceux qui n'ont pas touché au jeu d'origine : l'expérience est complète, un bon nombre d'heures de jeu vous attendent sans l'extension mais ce serait regrettable de ne pas la faire. Cependant, les joueurs et joueuses ayant déjà terminé le jeu trouveront l'extension peut-être un peu négligeable, elle nous laisse sur notre faim. On aurait aimé que le plaisir dure plus longtemps. Sucker Punch maitrise sa formule même si des défauts persistent, que ce soit sur le jeu de base ou l'extension mais cela n'en retire en rien la grande qualité de l'œuvre et le plaisir ressenti en arpentant cet univers, en espérant retourner sur l'île pour une suite.